Sur le seuil // Na przełomie (extrait)

Une capitale européenne : Varsovie. Un quartier : Praga, séparé du cœur historique par la Vistule. Presque central et pourtant en marge, ses contours sont à la fois précis et flous. Son histoire est singulière. Seul quartier de Varsovie qui n’ait pas été détruit pendant la guerre, c’est aussi le seul à ne pas avoir été reconstruit, et à être resté à l’écart de l’effervescence immobilière des deux dernières décennies. Les marques du temps sont partout visibles, comme sédimentées.

Tout y est toujours pareil, et tout commence à être un peu différent, avec l’arrivée du métro. Des variations quasi-imperceptibles se font jour. Tout est en suspension, entre deux moments, disparition et renaissance.

C’est sur cet espace/temps intermédiaire, tour à tour si authentiquement varsovien et si mystérieusement indéfini, que j’ai choisi de porter mon regard. Au gré de mon errance, les repères s’estompent, entre enfilades de cours en ruine ou friches industrielles, où la nature semble parfois reprendre ses droits. Les contours des mondes intérieur et extérieur se confondent à leur tour. Presque paradoxalement, l’intime s’invite dans un espace ouvert, à conquérir. Le dénuement devient le terreau de l’imaginaire, et le réel, accessoire.

Sur le Seuil donne à voir un de ces espaces urbains interstitiels en transition, comme on peut encore aujourd’hui en trouver ailleurs, notamment en Europe centrale et orientale. Ce seuil est en fait triple. C’est celui d’un quartier avant le changement, celui duquel l’étrangère que je suis perçoit ce « juste avant », et celui duquel le spectateur est invité à s’inventer, au-delà du cadre passif de l’image, la vie d’un Praga autant réel que fictionnel.